Les soins de moins en moins remboursés
De plus en plus de Français ont la désagréable surprise de constater, après leur passage chez le médecin, que leur complémentaire santé les rembourse moins bien. Notamment les salariés qui bénéficient des contrats collectifs d'entreprise, traditionnellement plus avantageux.
Près de 70% des contrats dont bénéficient les assurés étudiés par Mercer sont dits «responsables».
Ils sont le fruit d'une réforme datant d'avril 2015 qui oblige les complémentaires (mutuelles, institutions de prévoyance, assurances), en échange d'une fiscalité avantageuse, à plafonner le remboursement des dépassements d'honoraires pratiqués par le médecin. Si ce dernier n'a pas adhéré au contrat d'accès aux soins -par lequel il s'engage auprès de l'assurance maladie à n'augmenter ni le niveau moyen de ses dépassements, ni la part de son activité faisant l'objet de dépassements-, la prise en charge est plafonnée à hauteur de 125% du tarif de base de la sécurité sociale (100% à partir de 2017). Ces nouvelles normes s'imposent aux contrats individuels depuis 2015 et aux entreprises, obligées d'offrir une complémentaire à tous leurs salariés, depuis janvier dernier.
Bond de 102% du reste à charge à l'hôpital
En limitant ainsi la couverture des assurés, le gouvernement espère que ces derniers se détourneront des médecins pratiquant des dépassements élevés. Avec l'espoir en bout de chaîne que les praticiens adaptent leurs pratiques tarifaires.
Problème : les patients sont dans la majorité des cas forcés de se tourner vers des professionnels pratiquant ce type de dépassements. En effet, seuls 26,9% des médecins de secteur 2 ont adhéré au contrat d'accès aux soins (CAS) et 23% des spécialistes seulement...
Résultat : avec cette réforme, les patients mettent plus souvent la main au portefeuille.
Pour ce qui est de ses assurés, Mercer a par exemple constaté en moyenne une baisse de 53% des remboursements complémentaires d'honoraires en hospitalisation entre le premier semestre 2015 et le premier semestre 2016, ces derniers passant de 86,8 euros à 40,8 euros. Pour les consultations de généralistes, les remboursements ont baissé de 5%, de 8,50 euros à 8 euros. Pour les spécialistes, la baisse est de 10% (de 21,70 euros à 19,50 euros). En conséquence, le reste à charge pour les patients a bondi de 102% à l‘hôpital (passant de 8,4 euros à 16,90 euros), de 130% chez les spécialistes (de 2 à 4,60 euros) et de 19% chez les généralistes (de 0,90 centime à 1,10 euro).
Ces moyennes cachent par ailleurs de fortes disparités selon la spécialité. Chirurgiens, ophtalmologues, ORL, ou gynécologues figurent parmi les professionnels de secteur 2 ayant le moins signé le contrat d'accès aux soins (CAS). «Autant de situations exposant les assurés à de lourds restes à charge», déplore Mercer. Les écarts sont aussi importants selon les territoires. Dans les zones rurales, Mercer constate «une faible prévalence du secteur 2» et «un taux d'adhésion au CAS substantiel», permettant aux habitants de ces zones de moins ressentir les effets négatifs de la réforme. Mais en Ile-de-France, se soigner coûte de plus en plus cher car «4 médecins sur 10 (39%) exercent en secteur 2 sans être adhérents au CAS, c'est plus du double de la moyenne nationale», souligne le cabinet. Même difficultés en province, dans les villes de plus de 50.000 habitants, où seuls 3 médecins sur 10 en moyenne ont opté pour le CAS.
«Vouloir pressuriser l'offre de soins en réduisant la capacité financière de la demande nous paraît être un pari excessivement risqué». Mercer
Lorsque la zone géographique et la spécialité le leur permet, certaines familles ont déjà décidé de se tourner vers les praticiens les moins chers, quitte à abandonner le médecin qui les suit habituellement.
D'autres ont opté pour des sur-complémentaires non financées par l'employeur. Un élément qui renforce encore l'inégalité d'accès aux soins.
Le bilan de la réforme est donc à ce stade négatif.
«Alors que le législateur souhaite améliorer l'accès médical et limiter le renoncement aux soins, la refonte du contrat responsable aboutira à des situations où le reste à charge des ménages augmentera, pouvant aboutir à des abandons de soins», explique le cabinet, qui souligne au passage «un nivellement par le bas» des couvertures collectives.
«Vouloir pressuriser l'offre de soins (les prix) en réduisant la capacité financière de la demande (le pouvoir d'achat et la couverture santé des ménages) nous paraît être un pari excessivement risqué, dont les gagnants seront peu nombreux», conclut-il.